[Maroc] Taghia, un voyage en terres berbères
[Maroc] Taghia, un voyage en terres berbères

[Maroc] Taghia, un voyage en terres berbères

Le souffle du projet

En janvier de l’année 2023, au moment où l’on se demande quelle direction prendre pour la nouvelle année, Tonton Milan me proposa de me joindre à lui et ses amis néerlandais de loooongue date pour grimper sur les falaises de Taghia au Maroc.

A ce moment-là, j’avais déjà autant de projets que les 10 premières lettres de l’alphabet… Et Taghia devint alors le projet A. Pour me préparer à cette escalade décrite partout comme étant exigeante, je passais l’hiver à grimper! En plus, la neige n’était pas au rendez-vous pour le snow (ou plutôt, c’était ce que je me disais pour me convaincre de grimper toujours plus :p)

La voie maritime, tu emprunteras

Mais voilà le hic : je ne voulais pas prendre l’avion du fait de son impact plus que néfaste sur l’environnement. Pour être en accord avec les valeurs que je défends au quotidien, il me restait la voie maritime et ses 44h de bateau pour effectuer la traversée.

Et ça s’est très bien passé, les cocos!
C’était une excellente expérience, celle pour laquelle l’expression « prendre le large » revêt tout son sens.

Depuis Grenoble, j’ai rejoint Sète en train et j’ai embarqué direction Nador (plus classiquement, il existe également la traversée Marseille – Tanger). Je voyais alors la Côte d’Azur s’éloigner petit à petit, celle de la Costa Blanca se dessiner au loin, me rappelant alors mon premier voyage en falaises à l’étranger (oui, l’Espagne c’est à l’étranger!)

Le mois d’exil

L’escapade à Taghia était prévue pour 2 semaines à cheval sur avril et mai. Mais j’envisageais un voyage plus long pour les raisons suivantes :

  • Vu la distance à parcourir pour s’y rendre, autant en profiter pour y rester un peu ;
  • Je ne souhaitais pas limiter mon voyage à un séjour de grimpe où l’on vient juste pour faire un tour sur les falaises et repartir ensuite chez soi (ceci vaut également pour les falaises de chez nous) ;
  • Et! J’ai plutôt tendance à voyager « lentement »… ça fait 4 ans que j’effectue mon « année » sabbatique xD

C’est ainsi que j’ai décidé de partir 1 mois.

Tonton Milan : mon premier coach

C’est la personne qui a initié ce voyage. C’est aussi la personne qui a enclenché le processus de déblocage de ma peur de la chute en escalade.

Verdon, fin de l’été 2020, je lui demande de me « prendre sec ». Il se met à me coacher en me poussant à tenter le mouv’ ou chuter. J’appréhende, j’essaie, je crie de peur, je tombe… Et tout va bien. Grâce à Milan, j’ai pour la première fois de ma vie, dédramatisé la peur de la chute.

Aujourd’hui, quand je grimpe, ce scénario se reproduit encore. Je travaille constamment sur cette peur et je me rends compte que que j’ai besoin de chuter régulièrement, d’en garder l’habitude.

Au-delà de la peur de se faire mal, peur légitime, je me suis aperçue que je me retrouvais parfois face à une autre peur : celle de l’échec. A force de vouloir « faire des croix » comme on dit dans le jargon, et travailler sa voie jusqu’à l’enchaîner, on en oublie le simple plaisir de grimper et avec lui le plaisir de chuter. Alors pas de press’ : grimpe, chute et tu t’envoleras 😉

E-Jay & Johan : le duo de rigolos

Avant le départ, Tonton Milan créa un groupe whatsapp sur lequel on échangeait les modalités pratiques concernant l’orga. C’est donc virtuellement que je commençais à faire connaissance avec EJay et Johan. Ça taquinait graaave et c’était de bon augure pour le voyage!

Parfois, ils étudiaient le topo si sérieusement…

Que ça nous valait ensuite une expédition pour repérer les marches d’approche des grandes voies… Une véritable expédition…

Alors on en profitait pour envoyer l’Ancien au casse-pipe xD

Thibo : mon troisième œil

Le dernier membre de l’équipe était mon binôme de grande voie. C’était aussi mon masseur officiel ^^ Ok, j’avoue Thibo était plus qu’un binôme de grimpe [z’yeux qui roulent / z’joues qui rougent].

Il a surtout été d’un grand soutien lorsque je me suis pris une branche épineuse qui m’a rayé la cornée durant une ascension. Ouch!

Il était beaucoup plus inquiet que moi et très affecté par la douleur que ça me causait. A chaque larme qui coulait avec le seul but d’humidifier ma cornée, j’avais l’impression qu’on me versait de l’alcool sur une plaie ouverte et pourtant, je restais confiante quant à la cicatrisation.

Quatre ans auparavant, j’ai eu recours à l’opération de réfraction de la myopie nécessitant de découper la cornée avant de corriger par laser. Cette expérience m’a grandement permis de relativiser l’incident en question. J’ai aussi eu la chance que Amy, qui logeait au sein du même gîte, avait une crème oculaire à base de vitamine A favorisant la cicatrisation. Quelle en était la probabilité?!

Après 3 jours de repos et de réflexion, je suis retournée sur les falaises avec Thibo. Mon état d’esprit était différent. Malgré l’incident dont je ressentais encore les désagréments, je me disais que j’avais de la chance. J’ai grimpé en pensant à tous ces handi-athlètes, à leurs exploits sportifs et ça m’a donné une grande force mentale. Alors, je remercie ces personnes parce qu’elles m’ont aidées à aller au-delà de mes appréhensions.

Quant à Thibo, il est arrivé à Taghia en rêvant des Rivières Pourpres. Une voie dans laquelle je n’envisageais pas de m’aventurer vu le niveau exigé (ED+, 7b+ > 6c+). Après cet incident à la cornée, je me suis sentie pousser des ailes et j’ai eu envie de l’accompagner. C’est ainsi qu’on grimpa les 6 premières longueurs de cette grande voie 🙂

Je rêve désormais d’atteindre son sommet. Je ne sais pas si j’aurai l’occasion de retourner un jour à Taghia. C’est comme un rêve dont je me suis réveillée trop tôt sans en voir le bout. Mais peu importe la finalité, c’est juste beau de rêver.

Quelles sont les plus belles voies?

Celles que tu choisis de grimper. Je pourrais te lister les voies qu’on a grimpé et te dire ce qu’on en a pensé etc., mais ce n’est pas le but de cet article. Les voies sont toutes belles. Le rocher est dément! Le cadre est déjà grandiose, peu importe la voie que tu choisiras!

Grosso modo, on a mis les mains et les pieds dans les classiques décrites au sein des Nouvelles Parois de Légende. Et pour compléter la préface d’Arnaud Petit se demandant s’il est encore censé de republier ce topo avec la liste des grandes voies majeures dans le monde compte tenu des enjeux environnementaux actuels, je dirais qu’il ne faut pas venir au Maroc uniquement pour Taghia et l’escalade. Le voyage est tout à fait différent lorsqu’on s’imprègne de la culture berbère, qu’on essaie d’échanger quelques mots et qu’on arrive à [sou]rire.

A quoi ça rime de courir après les croix à part flatter l’ego?

Immersion berbère

Grimper à Taghia est certes un bel objectif. Mais le souvenir de ce voyage ne serait pas aussi ancré dans ma mémoire si je n’avais pas pris le temps de partager des moments avec la famille de Mohamed Mesaoudi qui nous a accueillis.

Au début, il s’agissait d’échanger quelques mots entre arabe, berbère et français précaire. Parfois on se comprenait et d’autres fois, on en riait. On a aussi partagé un moment en cuisine à préparer des M’smen.

Arrivés au bout des 2 semaines, on a été invités à prendre le « goû-thé » avec les femmes dans leur partie privative, beaucoup moins luxueuse que celle réservée à leurs hôtes, mais c’était un lieu dans lequel on sentait qu’il y avait de la vie. C’était le moment de la journée où elles se posaient entre elles, se racontaient des histoires, se confiaient, rigolaient et c’était très touchant d’y avoir été invités.

C’était aussi très émouvant de voir les larmes d’émotions se verser au moment de nous dire au revoir et de quitter les montagnes berbères après ces 2 semaines loin de la civilisation. GSM, 4G, ça capte peu ou prou, donc le lieu était propice à la déconnexion.

L’ébauche d’un voyage

J’ai souhaité partager dans cet article un état d’esprit plus qu’écrire un article touristique. Comme les croix que l’on fait après avoir grimpé une voie en escalade, ça n’a pas de sens de faire des croix sur les lieux visités s’il ne se passe rien autour.

J’ai écouté le podcast de Stéphanie Bodet (L’appel des sommets berbères dans l’Atlas marocain) durant la traversée maritime vers le Maroc. Sa douce voix m’a transportée et a annoncé la couleur de mon voyage.

Je n’ai plus qu’à te souhaiter de vivre ton prochain voyage 🙂

3 commentaires

  1. Ping :Rétrospective 2023 – La résolution du triptyque – Recette Sauvage

  2. Anna

    Bonjour ! On lit ton bel article en réfléchissant à aller explorer Taghia et ses falaises avec mes amis. On aimerait eviter l’avion également. Est ce que ca serait possible se savoir comment tu as fait le trajet Nador – Taghia?
    Merci!
    Anna

    1. Bonjour Anna,

      Tout d’abord, je précise que je voulais en profiter pour visiter le Maroc et pas seulement aller à Taghia. Donc j’ai fait pas pas mal d’escales.

      J’ai d’abord pris un taxi à l’aéroport de Nador pour aller à la gare. De là, j’ai pris un train pour Fès, puis Meknès, puis Marrakech en m’arrêtant à chacune de ces villes pour les visiter.

      De Marrakech, un taxi envoyé par Mohamed (le guide et gérant du gîte dont je parle dans l’article) vient nous récupérer pour aller jusqu’au village le plus accessible par la route. Le reste se fera avec des ânes pour porter.

      À noter qu’on est passé par Marrakech pour y rejoindre des amis et faire un trajet collectif. Peut-être qu’il est possible de se faire récupérer plus au nord, vers beni mellal, par exemple. Le mieux c’est de demander à Mohamed directement. Il est vraiment sympa et parle français 🙂

      Pour le retour, idem qu’à l’aller, sauf le car depuis Fès vers Nador (à la place du train). Puis un bus jusqu’au port. J’aurai aussi pu prendre ce bus à l’aller mais j’avoue que je ne savais pas où ni comment le prendre. Le réseau de bus marocain n’est pas évident à décrypter et il m’a bien fallu ce mois d’immersion avant d’en bénéficier car ça coûte 1€ le trajet (voire moins) contre 10€ en taxi. Mais c’est pas évident de trouver les arrêts quand on ne visualise pas du tout les endroits. Au retour, je connaissais mieux les villes.

      J’espère avoir pu te répondre et n’hésites pas si tu as d’autres questions 😉

      Lucie

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